Un samedi soir à Valter 2000 (Catalogne espagnole)

Ce samedi, Il fallait assurément une bonne dose d’espoir pour se rendre sur notre spot d’observation à 2200m d’altitude.

Toutes les prévisions annonçaient une météo instable avec des orages violents et il fallait être vraiment motivé pour se rendre dans ce massif montagneux recouvert par une lourde chape de nuages sombres, (alors que nous nous trouvions dans la plaine ensoleillée du Roussillon).

Notre envie de ciel ultime a été plus forte que le bon sens et nous voilà partie dans un break rempli d’optiques et de matos de camping.

Notre ascension dans les ténèbres nuageuses n’était pas prometteuse, la pluie intense et le vent ne donnaient pas l’impression de nous approcher des étoiles, nous avons même cru devoir faire demi-tour lorsqu’un glissement de terrain a recouvert la route d’une chute de blocs de schistes et de boue !

Arrivées sur place, de lourds nuages menaçants flirtaient avec les cimes environnantes et nous nous demandons sérieusement si nous devons monter le campement et installer le matériel d’observation !

Passé minuit, le moral en berne et la fatigue ont failli nous faire partir sous les duvets, un dernier thé vert et... comme par miracle, le ciel s'est ouvert !

Nous nous retrouvons sous un ciel d’une pureté inouïe lavé par les orages avec une voie lactée contrastée jusqu’à l’horizon ou la « théière » du Sagittaire semble posée sur les brumes d'horizons faiblement illuminés par les villes de la plaine catalane.

Le T400 est monté / collimaté en un temps-record et pointé rapidement sur l’iconique M51 afin de jauger la transparence : a 108x (ES17 mm) la galaxie qui flotte dans le champ est contrastée, ces deux bras s’enroulent autour du noyau de façon linéaire et baignent dans un fond diffus saupoudré d’étoiles en surimpression . Le ciel est incroyablement stable et transparent . Afin de gagner en contraste, j’augmente le grossissement à 154x (ES12 mm) la vison est photographique même si le « pont de matière » qui relie NGC 5195 n’est pas visible autrement qu’en vision indirecte, la petite galaxie présente une barre très sombre avec un côté beaucoup plus lumineux que l’autre.

Le meilleur compromis contraste/luminosité/turbulence est atteint à 205 x (ES 9 mm). Je n’échangerai cette vision contre aucune photographie : les bras diaphanes constellés d’étoiles semblent flotter dans le champ de l’oculaire . Vraiment difficile de décrocher l'oeil de l'oculaire , mais il faut passer à une autre cible afin de profiter au maximum de la qualité de ce ciel de montagne !

Un crochet par l’incontournable M101 qui fait la une de l’actualité puisqu’elle héberge la star du moment la SN2023 IXF . La vaste galaxie vue de face est magnifiquement détaillée malgré sa faible brillance surfacique :

à 108x (ES17 mm) ses multiples bras et ramifications sont parfaitement définis, les « décrochements » des bras ainsi que l’aspect asymétrique du disque galactique sont évidents. La supernova est assez brillante et évidente . De nombreuses nodosités diffuses parsèment les bras spiraux, il s’agit de région HII donc de nébuleuses ! Les bras sont teintés d’une subtile coloration bleutée, une vision qui ne laisse pas insensible ma collègue Isabelle qui ne regrette pas d’avoir fait plus de 250 km pour nous rejoindre …

Un rapide détour sur M57 qui présente un anneau bleuté, saturé en brillance et en couleur ainsi que de fines étoiles dans et autour du disque dans un champ riche en étoiles... Le ciel d’altitude offre un contraste tel que la luminosité sature littéralement les grands classiques du ciel profond .

À 155x M27 est verte, brillante, contrastée, d’innombrables étoiles sont noyées dans la nébulosité, la fine étoile centrale de magnitude 13,5 semble figée au centre de l’objet, encore un spectacle qu’aucune photographie ne peut retranscrire.

Avec 46x (ES40/68°) NGC 6960 la petite dentelle du cygne est parfaitement visible sans l’usage de filtre, cela indique un ciel de grande pureté. Les filaments du balai de sorcière sont parfaitement définis avec une lumineuse transparence . L’étoile 52 du cygne a une belle couleur orangée. L’utilisation des filtres interférentiels augmente spectaculairement le contraste, mais fait perdre un peu de finesse à l’image. En augmentant le grossissement à 77x (ES24 mm/82°) les dentelles deviennent filamenteuses et structurées un spectacle dont on ne se lasse pas ! Avec 108x (ES17 mm/92°) le triangle de Pickering prend du relief et NGC 6992 devient photographique avec ses filaments torsadés.

M17 est probablement la nébuleuse diffuse la plus contrastée d'hémisphère nord, la vision verdâtre du cygne parsemé de nodule sombre est vraiment spectaculaire …

Les cibles vont s’enchaîner jusqu’à 4 h malgré la présence d’un dernier quartier de lune arrivé entre-temps . Cependant, la transparence de l’atmosphère a fortement réduit l’impact de la diffusion de la lumière Sélène qui restera masquée par les crêtes de l’horizon est .

L’usage de la bino sur les amas globulaire Messier 13 et Messier 92 est réellement prodigieuse, avec 142x (Hyperion13 mm) l’amas est résolu jusqu’au cœur et arbore une couleur bleue intense ( effet Purkinje) ce qui est contre intuitif puisque les amas globulaires sont majoritairement constitués d’étoiles anciennes plutôt rouges.

@ Bientôt et bon ciel a tous !