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Un CROA dans la nuit

Publié le par Lithic

« Un CROA dans la nuit »🐸

Compte rendu d’Observation Astronomique nuit du 03 au 04 février 2024 depuis le site de la forêt d'En Malo (Alt : 1260m) sur la commune de Salvezines dans l’Aude.

Samedi 03 février, nous avons choisi de rester relativement proche de chez nous sur un site de moyenne altitude qui semblait être le meilleur compromis du moment pour les paramètres de distance/météo/pollution lumineuse/altitude.

Il s’agit d’un excellent spot, déniché il y a quelques années par Olivier Gadal.

C'est aussi le plus haut des sites accessibles en voiture, à quelques dizaines de minutes de chez moi.

Le ciel y est souvent très noir, pourvu que l’atmosphère soit sèche et ne diffuse pas trop.

La turbulence y est régulièrement très faible.

La transparence due à l’altitude y est parfois excellente.

Le site est entouré de grands arbres qui font écran aux multiples halos de pollution lumineuse produits par les villes et villages des Pyrénées-Orientales et de l'Aude se trouvant à proximité.

Cet écran de végétation filtre également très efficacement le vent, ce qui est vraiment appréciable dans le pays de la tramontane.

Depuis le Village de Salvezines, il faut 15 minutes d’ascension en voiture sur une route étroite et sinueuse pour atteindre le spot.

A la sortie du véhicule, nous ressentons immédiatement la fraîcheur résultant de l'altitude, il fait encore jour, nous organisons rapidement notre bivouac (tentes, tables, réchauds...)

J'enfile mes vêtements de nuit (grenouillères à capuche en polaire, pantalons de ski, triples polaires et doudounes).

Le télescope de 406 mm est rapidement et précisément collimaté, son miroir est tout propre, car il vient d’être lavé.

La première cible pointée qui permet de juger de la qualité du ciel est M42, la célèbre nébuleuse d’Orion, avec ce diamètre et la qualité du site, la nébuleuse est sans surprise, colorée, structurée, les quatre composantes (A, B, C, D) du fameux trapèze sont fines et la turbulence est correcte puisque les faibles étoiles E et F sont parfaitement fines et bien visibles.

La nébuleuse est parée d'un vert intense au centre dans la région du trapèze et de vieux rose à l’intérieur des ailes, le disque de M43 est coloré de rose/rouge.

C'est une vision agréable, mais bien en deçà de que le site est capable de fournir (c'est normal, il y a quelques bancs de cirrus qui empêche d'avoir une transparence optimale).

Comme le ciel n'est pas encore lavé des résidus de voiles nuageux, nous allons prendre notre temps pour tester calmement les quatre filtres présents dans la roue à filtres (UHC, OIII, HB, CLS) sur la fameuse nébuleuse de la tête de cheval.

Il en ressort plusieurs choses :

1) L'objet est assez bien visible avec le filtre UHC, quasi invisible avec l'OIII, la palme revient incontestablement au filtre Hbeta qui offre une vision bien contrastée du complexe IC434/B33.

Le CLS laisse passer la nébuleuse, mais le contraste reste faible, il doit donner de bon résultat sous un ciel très transparent, en haute montagne.

J'ajouterai que la vision sans filtre est plutôt intéressante si la transparence est bonne : avec le bon compromis oculaire/fond de ciel, l'objet ressort très bien.

2) Il faut bien connaître l'emplacement du nuage obscur et être parfaitement adapté à l'obscurité (nous sommes acclimatés plus de 45 minutes). Le confort de l’observateur est primordial, une chaise d'observation est vraiment appréciable pour être bien calé et se concentrer sur le champ oculaire.

Bien que j'aie observé de nombreuses fois cet objet réputé extrêmement difficile, je constate que l’expérience de l'observateur est importante (savoir quoi voir).

Mes conseils :

J’ai remarqué que la tête de cheval n’apparaît que rarement au premier coup d’œil dans l'oculaire, généralement, c'est le voile faiblement lumineux d'IC 434 qui se détache du fond de ciel qui est détecté en premier.

Avec un peu d'habitude, la partie devant le museau, mais surtout celle au niveau du dessus de la tête et de l'encolure devient visible en continu.

A partir de là, il n'y a plus qu'à attendre puisque l'échancrure noire apparaît par glimpses successifs jusqu’à devenir visible en continu de longues secondes.

Ce qui est frustrant, c'est qu'à chaque fois que la tête apparaît très distinctement, on la fixe et elle disparaît ! Donc, inutile de chercher des détails en vision directe...

Mais la vision décalée devient vite un réflexe, et j'ai pu observer la tête d’équidé d'un noir très profond durant plus d'une dizaine de secondes en vision continue.

Ce qui est curieux, c'est qu'il n'est pas toujours nécessaire de faire sortir la brillante Alnitak du champ pour distinguer correctement B33.

Le choix de l'oculaire est assez important et après quelques essais, c'est l’ES 24 mm/82° de champ qui a donné le meilleur contraste sur le fond de ciel.

Je précise que cela n'est valable que pour ma configuration optique et la qualité de ciel du moment, il est vraisemblable que cela puisse varier d'un soir et d'un site à un autre.

La tramontane a soufflé quelques minutes en rafale et le ciel est devenu plus transparent, c'est le moment de se faire plaisir en butinant quelques grands classiques :

La nébuleuse de la rosette est assez spectaculaire dans l'oculaire ES de 40 mm/68°. L'usage des filtres OIII et Hb est presque indispensable pour voir la totalité du « cercle de pétales ».

Le filtre Hb est mon préféré car il fait magnifiquement ressortir les complexes de filaments sombres et colore les étoiles de l'amas central d'un bleu "électrique" très esthétique.

J'ai longtemps utilisé Le SP 56 mm sur cet objet, mais l'arrivée du 40/68° (qui donne pratiquement le même champ réel avec un grossissement plus important) a détrôné le bon vieux SP 56 mm car le contraste sur les filaments est bien supérieur.

Messier 46 et sa belle nébuleuse planétaire est toujours un régal pour les yeux, la vision sans filtre est vraiment celle qui donne le plus de relief à l'amas ouvert et à sa nébuleuse planétaire, anneau diaphane perdu au milieu d'un poudroiement d'étoiles.

La vision de cette région de voie lactée riche en amas ouverts est aussi très esthétique dans le chercheur de 80 mm ou trois amas d'étoiles sont visibles dans le même champ.

L'esquimau est maintenant très haut, c'est le moment de voir si cette nébuleuse planétaire laissera entrevoir quelques détails de sa structure.

Comme une majorité de NP, NGC 2392 a un petit diamètre apparent, ce qui implique un grossissement important .

A 130x (ES 14mm) la nébuleuse colorée en bleu turquoise auréole l’étoile centrale fine comme une tête d’épingle.

A 205x (ES 9mm) la saturation des couleurs est préservée, il semblerait qu'il y ait quelques vagues structures dans la zone centrale de la nébuleuse et un fin liseré rouge foncé est venu cercler le disque bleuté.

A 336x (ES 5.5mm) la turbulence devient perceptible car l’étoile centrale perd de sa ponctualité, la saturation des couleurs est moindre pourtant le liseré rouge foncé reste bien visible .

En revanche les structures rayonnantes de l'enveloppe extérieur de la "capuche" restent invisibles.

Après quelques butinages d'objets du catalogue Messier et autres NGC, il est déjà presque 3 heures : la Grande Ourse, la Chevelure de Bérénice, le Lion, la Vierge, le Corbeau, et les Chiens de chasse sont maintenant suffisamment hauts pour s'adonner à un de mes passe-temps favoris : les voyages intergalactiques !

La diversité d'orientation et de morphologie des galaxies offre la possibilité de plongeons aux perspectives vertigineuses dans l'univers profond .

Je prends vraiment conscience du privilège de pouvoir s'immerger dans l'espace et dans le temps et d'observer "en direct" des panoramas de champs de galaxies où la perspective de duos, triplets, voire quintets, d'univers-îles situés à des millions d’années-lumière s’offrent à nos yeux.

On commence doucement par les classiques : M81/82 et consœurs qui sont vraiment contrastées et spectaculaires M82 et ses bandes d’absorptions verticales, le subtile tourbillon de M81 ainsi que les petites galaxies alentours qui donnent de la profondeurs à la promenade.

M108, galaxie "transparente" et ses fines étoiles en surimpression, son voisin M97 le hibou qui montre ses yeux sombres sans trop d'effort...

M51 qui est incontestablement la galaxie à montrer à des néophytes :

A 130x (ES 14mm/100°) le fond de ciel reste grisâtre, mais la galaxie est déjà très spectaculaire, les deux bras spiraux s'enroulent régulièrement autour du noyau principal avec quelques fines étoiles ponctuelles en surimpressions qui pourraient faire penser à des supernovas.

A 154x (ES 12mm/92°), le fond de ciel est obscurci, ce qui permet de distinguer beaucoup plus de structures dans les bras spiraux qui semblent s’effilocher, le pont de matière reliant les deux noyaux est visible en permanence ... bref, une vision (presque) photographique (mais en nuances de gris) très proche d'une image brute avec une camera monochrome !

 

M65,66,NGC3628 Le fameux trio du Lion est toujours un plaisir lorsque la transparence est de la partie, les deux Messiers sont superbement contrastés.

M65 et 66 laissent clairement deviner leur inclinaison et orientation respectives.

La troisième composante (NGC3628) « galaxie de Sarah » est très sensible aux conditions de transparence de l’atmosphère. Ce soir, cette vaste spirale vue par la tranche est en beauté : très contrastée malgré un fond de ciel lumineux, sa bande d’absorption est sombre et tourmentée, et, à chaque extrémité du fuseau brillant, il y a un halo diffus que je n’ai eu l’occasion d’observer que lorsque le ciel était de bonne qualité .

M84 (NGC 4374), M86 (NGC 4406), NGC 4477, NGC 4473, NGC 4461, NGC 4458, NGC 4438 et NGC 4435 galaxies de l’amas de la Vierge ou « chaîne de Markarian »

C’est le moment de laisser mes compagnons balayer la région avec le télescope muni d’un oculaire à grossissement moyen (130x ES 14mm/100°).

En effet, même si la vision est sympa avec un oculaire offrant un champ réel important (60x ES 30mm 82°), le fait de doubler l’amplification assombri le fond de ciel et permet la détection d’innombrables « tâchouilles » entre les galaxies principales. Promenade vertigineuse à plus de 60 millions d’années-lumière sur plus de 8° carré ! Nous avons compté entre 8 et 10 galaxies autour de M86 dans un champ de 0,76° !

Une cible d’actualité : NGC 4216 « La galaxie de la traînée d’argent » et sa supernovæ 2024GY.

Quelle magnifique composition que cette belle galaxie se tenant verticale dans le champ !

Comme son surnom l’indique, on observe un superbe fuseau argenté avec une belle SN évidente, brillante, parfaitement ponctuelle, située au deux tiers de l’extrémité haute du fuseau.

A droite proche du noyau, on distingue clairement une étoile. Légèrement sous la galaxie à droite il y a un fuseau très faiblement contrasté qui trahit la présence d’une galaxie plus faible…

Ces derniers mois, nous sommes gâtés en supernovæs, je garde un souvenir émue de la dernière SN brillante et bleutée observée dans Messier 101 à 2200 m d’altitude ! Spectacle rare, émouvant et spectaculaire …

J’oubliais mes deux fuseaux galactiques préférés : les incontournables NGC4565 et Messier 104, magnifiques « soucoupes volantes » extrêmement contrastées qui montrent sans ambiguïté leur noyau ponctuel et brillant, leur bande d’absorption respective… un régal !

Nous prenons quelques minutes pour nous réchauffer avec une boisson chaude et échanger sur toutes ces belles observations, les yeux d’un renard qui nous épie nous renvoie la lumière de nos frontales, quand nous réalisons que…

Mince ! l’horizon se pare d’une douce couleur orangée, nous avions oublié qu’un joli croissant Sélène allait faire son apparition !

Le temps est passé trop vite, nous aurions du moins traîner car nous n’avons pas observer la totalité de nos objectifs pour cette soirée … Avant que la lune ne monte trop, nous nous empressons de pointer la comète 62P/Tsuchinshan qui navigue entre la Vierge et le Lion.

Malgré la présence de la lune montante sur l’horizon, nous distinguons deux « virgules » brillantes dans la coma et une amorce de queue. Malheureusement, la luminosité croissante de la lune va nous empêcher de continuer a détailler la belle voyageuse …

La lune étant assez turbulente sur l’horizon, nous décidons d’aller nous blottir dans nos duvets, il est presque 5 heures et nous en avons bien besoin !

Je tiens à remercier mes deux fidèles compagnons d’observation avec lesquels ces moments d’échange et de partage sous la voûte céleste prennent une saveur toute particulière.

Vivement la prochaine nuit sous la voûte étoilée.

Un CROA dans la nuit
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Un CROA dans la nuit
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