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ARTIGUES D'EN MALO (SALVEZINES 11140) 30/01/2022

Publié le par Lithic

Les observateurs aguerris savent que les nuits ou les conditions sont réunies pour effectuer des observations de qualité sont rares !

Il y a toujours un ou plusieurs paramètres pour venir compromettre la qualité des images télescopique : la turbulence, la pollution lumineuse, le vent, l’humidité, la transparence font partie des nuisances incontournables avec lesquelles les observateurs du ciel doivent composer.

Une grande partie de ces inconvénients s’amoindrit ou disparaît avec l’altitude et lorsqu'il se trouve sous un ciel de qualité, l’observateur doit alors faire des choix afin de profiter au maximum de la qualité de la fenêtre d’observation qui s’offre à lui.

Le plus souvent je pratique l'observation visuelle depuis mon terrain en garrigue sur la commune de Tautavel.

Il s’avère être parfois un très bon site, mais comme sur tous les sites de plaine, la transparence est souvent moyenne et la diffusion engendrée fait rapidement monter la pollution lumineuse.

C’est pour cette raison, que dès que les conditions sont favorables, il est souhaitable de choisir un site en attitude afin de bénéficier de la transparence des ciels de montagnes.

J’ai la chance de vivre dans un département relativement ensoleillé où il suffit de parcourir quelques dizaines de km pour trouver un col, un plateau ou des sommets de moyenne montagne (autour de 1000 m) suffisamment loin des grosses agglomérations pour pouvoir apprécier des ciels d’une noirceur correcte.

Je remercie au passage un ami passionné d’observation qui a le don pour dénicher d’excellents spots astro : Merci Olivier Gadal d’avoir révélé ce spot au-dessus du château de Puilaurens qui s’avèrent être un très bon, voir un excellent site de moyenne montagne situé entre 1200 et 1300m d’altitude.

Samedi 30 janvier, j’ai la surprise de découvrir de la neige sur les derniers 300 m de l’ascension.

Sans voir venir, je me retrouve dans une côte avec une voiture qui patine et refuse de monter la pente verglacée.

Je sors du véhicule et m’aperçois que la route est recouverte de glace translucide sur une bonne épaisseur... Angoisse !(Il n’y a pas de parapet pour protéger des ravins.)

Je n’ai pas d’autre choix que de laisser glisser le break en arrière afin de retrouver un peu de goudron qui va me permettre de prendre l’élan nécessaire pour franchir l’obstacle glacé…

Arrivé sur le site, je réalise que Stéphane Sol qui doit me rejoindre dans la soirée, risque de ne pas pouvoir franchir cette belle plaque de glace.

Depuis le spot d’observation le téléphone ne passe pas, je ne peux pas le prévenir…

Finalement, je décide d’attendre pour assembler mon télescope au cas où nous devrions nous rabattre sur un site en contrebas.

Je prends mon repas du soir dans cet environnement sombre et silencieux sous une voûte céleste cristalline constellées d’étoiles, la voie lactée d’hiver est d’une densité inhabituelle.

Le ruban argenté contraste avec le noir profond des sapins qui se découpent en ombre chinoise, le blanc de la neige qui recouvre le sol ajoute de la magie au moment.

Stéphane finit par arriver, non sans encombre puisque sa voiture s'est mise de travers sur une plaque de glace, il lui aura fallu plusieurs minutes pour sortir son véhicule de cette situation périlleuse...

À la vue de la qualité du ciel, nous sommes impatients de jeter l’œil à l’oculaire, nous montons rapidement nos T400m respectif.

Comme les étoiles scintillent fortement, on s’attend au pire au niveau de la stabilité des images.

Je monte l’oculaire me donnant le plus faible grossissement (SP56 mm/ 33 x) pour pointer les pléiades.

C’est une belle surprise, l’image est parfaitement stable, l'amas d’étoiles entre juste en entier dans le champ oculaire.

La vision est fantastique, les étoiles bleutées baignent dans les nébulosités.

Habituellement, on ne sait pas trop si les nébulosités sont réelles ou bien s’il s’agit de la diffusion des optiques .

Mais cette fois, il n’y a aucun doute, au premier coup d’œil on observe clairement la forme étirée de la nébulosité autour de Mérope, Maia est entourée d’un voile blanc très dense.

Le ciel est d'une transparence exceptionnelle, cela augure une nuit d’observation prodigieuse !

Le chasseur d’Orion est presque au méridien, c’est le moment de pointer le complexe IC434/B33 :la célèbre nébuleuse obscure « tête de cheval ».

C’est un objet réputé difficile, cependant un observateur a déclaré l’avoir détecté avec un télescope de 150 mm de diamètre depuis un sommet de la cordillère…

En connaissant parfaitement la position de la nébuleuse dans le champ de l’oculaire, je n’ai jusqu’à présent jamais rien observé d’autre que le voile brillant et peu contrasté d’IC434 avec une échancrure sombre en surimpression.

Chaussé d’un oculaire de 30 mm/82° (62 x) et du filtre Hbeta, je n’en crois pas mes yeux : NGC 2024 (la flamme) est structurée, brillante et scindée par les nébuleuses obscures qui sont finement ramifiées vers leurs extrémités. Le gaz est teinté d’un rouge/marron foncé qui rappelle certaines parties des ailes de M42.

Il n’est même pas nécessaire de sortir la brillante Alnitak du champ pour apprécier le spectacle.

Au sud NGC2023 l’étoile est entourée d’un flou nébuleux de teinte gris/bleuté, le voile lumineux d’IC434 est visible en vision directe et Barnard 33 (la fameuse tête de cheval) d’un noir profond est évident ! Le museau de l’équidé apparaît presque constant par « glimpses » successifs.

C’est une vision splendide, qui ressemble à une photographie qui serait sous exposée.

L’excitation est à son comble car je viens de réaliser que nous allons profiter d’une nuit vraiment extraordinaire.

Sans changer d’oculaire/filtre, direction NGC2244 la nébuleuse de la rosette : C’est un vrai choc, l’amas d’étoiles est brillant et complètement ceinturé de nébulosités.

La couleur marronne/rouge foncée du gaz contraste avec le bleu des étoiles.

Habituellement, on ne voit que la partie orientale de la nébuleuse qui est la plus dense.

Mais là, nous observons des nébulosités structurées et filamenteuses tout autour de l’amas ouvert, les filaments obscurs donnent un relief saisissant.

Grâce à la transparence du ciel, j’apprécie enfin pleinement l’usage du filtre Hbeta, la roue à filtres trouve ici tout son intérêt : le défilement d'OIII/HBETA/UHC donne la sensation de travailler par couches de couleurs comme en photographie, c’est un vrai plus pour explorer les nébuleuses en détail.

Je lève les yeux et je me délecte du spectacle, je ressens une pression car j’ai le sentiment que la nuit va être trop courte. je dois absolument optimiser la soirée.

Établir des priorités sur le choix des cibles est délicat, car j’ai envie de tout observer en même temps!

Que faire? je profite du ciel pour détailler comme jamais les objets « classiques » ou bien je sors des sentiers battus et j’en profite pour détecter des objets plus exotiques habituellement peu accessible depuis la plaine .

Dois-je me poser pour dessiner calmement deux ou trois cibles, ou dois je continuer à butiner ?

Je choisis la premiere option !

Les objets classiques sont magnifiés par la qualité du ciel, avec 60x de grossissement M42 est incroyablement saturée en couleurs même si les teintes restent douces. Les ailes sont teintées de Rose, de rouge, il y a des dégradés subtils de gris /marron . M43 est à la fois diaphane et coloré en rose/rouge, la verte région du trapèze est structurée... a ce jour, aucune photographie ne restitue la douceur, la finesse, le relief que procure la vision télescopique.

Je remonte l’oculaire SP56 (33 x) pour apprécier la nébuleuse dans son ensemble, les extensions des ailes se referment en formant une boucle d’une densité lumineuse étonnante.

Avec un grossissement de 340 x (ES 5,5 mm/100°), les six fines étoiles du trapèze sont entourées de volutes de gaz colorés et de chenaux obscurs d’une grande complexité.

Immédiatement autour des six étoiles, le gaz donne le sentiment d’être moutonneux, subtilement coloré de vert mais aussi de gris et de marron/rosé. Il y a un sentiment de frustration à essayer de décrire l’indescriptible.

Pour approcher au mieux de la réalité observationnelle, je vous invite à fréquenter les sites web des astro dessinateurs. (On y apprend beaucoup)

Ne dit-on pas qu’un bon dessin vaut mieux qu’un long discours?

NGC 2359 la nébuleuse du casque de Thor, à 102x (ES18 mm/82°) et filtre UHC dans l’ES400 de Stéphane. Cette magnifique nébuleuse apparaît d’un gris légèrement bleuté. Le casque est superbement développé jusqu’au bout des cornes ! Les deux lanières de la mentonnière sont plus diffuses mais parfaitement visibles.

NGC4565 avec 108x et 132x (ES 17 mm/92° et ES14 mm/100°) Est une grande galaxie vue par la tranche, fine et contrastée, avec un bulbe traversé par une bande sombre avec un noyau très brillant. Une vision photographique, je ne l’ai jamais vu aussi dense et contrasté.

M104 avec 108x et 205x (ES17 mm/92° et ES9 mm/100°) Magnifique sombrero éblouissant dense et contrasté avec un noyau extrêmement brillant, la bande d’absorption est fine avec des différences de densité. Le halo du bulbe est presque sphérique…juste hypnotisant.

M51 avec 132x et 336x (ES14 mm/100° et ES5 mm/100°) Si on doit montrer à un néophyte ce qu’est une belle galaxie spirale de face, c’est sans doute la meilleure candidate.

Sublimée par l’altitude et la transparence exceptionnelle, les deux bras s’enroulent en spire autour du noyau. Ils sont parsemés de nodosités brillantes jusqu’à leurs extrémités.

Chose rare, le pont de matière entre M51 et sa compagne est parfaitement visible (en fait, on suit les nuages obscurs en surimpression du fond diffus dans lequel baigne la galaxie du tourbillon).

De fines franges lumineuses semblent prendre leur départ dans les bras, une page ne suffirait pas pour décrire le spectacle ...

NGC 2438 (NP dans M46) dans le T400 de Stéphane avec 264x (ortho 7 mm) Magnifique modèle que cette nébuleuse annulaire noyée dans un champ d’étoiles très dense, une fine tête d’épingle clignote sous le centre de l’anneau et deux autres apparaissent par intermittence au travers de la nuée annulaire…

NGC 50907 108x et 205 ( ES17 mm/100° et ES9 mm/100°). Cette très fine galaxie vue exactement par la tranche comme une fente de lumière presque uniforme sur fond obscur est une de mes préférées...

M101 92x (ES 20 mm/100°) La vaste spirale diaphane déploie ses bras par bribes interrompues.

Quelques nodosités sont loin du noyau, sans attaches apparentes mais en longeant les portions lumineuses des bras, on comprend qu’elles se situent dans le prolongement des spires… encore une vision extraordinaire.

Nous sommes protégés du vent que nous entendons souffler par rafales dans les cimes, sans qu'il n’atteigne nos télescopes.

Une soirée froide, mais extrêmement sèche sans aucun dépôt sur les optiques et les atlas papier.

La nuit va se prolonger longuement, je n’ai pas le courage de décrire les dizaines d’objets plus anonymes (ou pas) que nous avons eu le plaisir d’observer durant cette soirée d’exception : des galaxies de toutes morphologies, en couple, solitaires… certaines dévoilant des détails, d'autres non, parfois de subtiles nuances bleutées, mais toujours beaucoup mieux définies et contrastées que ce que l’on observe de façon plus routinière depuis nos sites de proximité.

il paraît que la météo sera clémente le weekend prochain, il y a de forte chance que nos télescopes colonisent le lieu à nouveau. je prendrai peut être cette fois le temps de sortir les crayons pour essayer d'immortaliser quelques objets.

Bon ciel à tous !

ARTIGUES D'EN MALO (SALVEZINES 11140)  30/01/2022
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O
Superbe article, ca donne envie.
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